Poudlard L'extérieur [Terminé] L'Odeur des Carter
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Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

J'arrête tout.

 

Ca voulait dire quoi, au juste ? Alison arrêtait ses efforts pour qu'ils ressemblassent à un couple ? Ou elle arrêtait totalement le deal ? Ou bien c'était une de ces expressions anglaises qu'il avait du mal à comprendre, comme quand ses voisins de chambrée disaient qu'ils prendraient a rain check concernant les devoirs ? Sasha avait mis à peu près un mois à comprendre qu'il n'y avait rien de littéral dans cette expression, et il avait régulièrement des expériences similaires avec cette langue dont il avait pourtant vite maîtrisé, au demeurant, les formes les plus argotiques.

Toujours était-il que sur le moment, il n'avait pas osé poser la question à la Serpentard. Après s'être renfrogné dans le silence à son tour, Sasha s'était résolument convaincu qu'Alison lui en voulait simplement pour des sottises : parce qu'il avait mal choisi les couleurs des orchidées, par exemple. Après tout, elle-même lui avait dit qu'il était coupable par défaut, même s'il ne savait pas pourquoi.

 

Malgré tout, les jours qui avaient suivi, Sasha s'était surpris à s'inquiéter de temps à autre. Le deal pouvait-il faire partie du tout ? Non, non, elle avait dit ça comme ça, c'était juste une formule pour dire qu'elle boudait. Systématiquement, il repoussait soigneusement la désagréable pensée en se concentrant sur autre chose. Son dîner, par exemple. Mais assis à la table des Gryffondors, il n'avait pu s'empêcher de jeter un oeil vers la table des Serpentards, où Alison ne se montrait guère. Encore sa lubie de sauter les repas.

 

Comme leur absence de nouveaux échanges ne pouvait lui permettre de trancher véritablement, Sasha avait fini par décider une bonne fois pour toutes ce soir-là, en dévorant des crevettes, qu'il fallait continuer à investir dans le projet qui devait consister à lui faire accéder aux cours de sixième année intégralement. Il n'y avait bien sûr pas que l'intérêt des cours qui le poussait à poursuivre ce but : il craignait que s'il ne validait pas les cours de sixième année à la fin de l'année, on ne le considérât pas comme majeur à 17 ans, comme les autres. Et tant qu'il était mineur ou considéré comme tel, les adultes décidaient de son destin - et surtout de sa présence au château, loin de là où il devait être. Aussi décida-t-il de ne pas remonter à la salle commune, histoire d'enfin donner à la Fouine ce qu'elle rêvait d'avoir sans le savoir.

Le Serpentard l'avait en effet déjà croisé deux fois depuis le cours de Botanique, et commençait à craindre que Sasha ne fisse juste traîner l'échéance - au risque de perdre la primeur de cette information visiblement capitale pour les cinquième années : Sasha et Alison ne formaient pas un vrai couple.

Demain au plus tard, il lui donnerait ce qu'il devait.

 

 

 

 

 

 

L'air était frais. Chaque soir, il devenait un peu plus froid, au point qu'au coeur de la forêt, des flaques s'étaient gelées, déjà, à cause des températures nocturnes qui chutaient en Ecosse bien plus tôt qu'en Ukraine. Sous sa forme animale, Sasha ne redoutait pas vraiment les surfaces glacées. Il les préférait même à cette pluie battante qu'il avait dû subir à l'aller, avant de recevoir le couvert des arbres. Il avait vagabondé assez longuement, dès la tombée de la nuit. Ce qui était bien, lorsqu'il était transformé, c'était que son esprit ne s'attachait plus à s'inquiéter outre mesure ni du passé, ni de l'avenir. Tout était instantanément important : ce mulot qui couinait sous un buisson, le vent qui chuintait dans les feuilles, une goutte qui tombait sur son pelage. L'effet apaisant de sa propre langue rugueuse sur ses pattes quand il se nettoyait par automatisme après s'être tâché de résine en grimpant un sapin malade. Et puis les odeurs, ah !, les humains ordinaires ne savaient ce à quoi ils n'avaient pas accès. Les sécrétions des insectes sous l'écorce poivrée qu'il grattait avec ses griffes ; les senteurs terreuses des champignons qui poussaient dans la mousse suave ; l'odeur fraîche de l'eau qui bruissait dans son lit sauvage, où un rongeur avait laissé la marque de ses phéromones, auxquelles se mélangeaient les effluves âcres d'un...

 

... crapaud.

 

 

 

 

 

 

Plif, plof, plif, plof.

 

La pluie avait cessé, mais Sasha avait retrouvé sa forme humaine et traversait dans la nuit la pelouse inondée et boueuse qui le ramenait vers les portes du château, son pull drôlement roulé en boule dans ses bras. Sa chemise était humide et ses cheveux trempés au point qu'ils gouttaient sur son visage et ses épaules - signe qu'il n'avait pas dû vraiment pouvoir s'abriter avant la fin de l'averse. A l'extérieur du château, de grosses torches appliquées sur les murs de pierre sombre éclairaient le parc, lui-même baigné de la lueur blanche qu'offrait une Lune presque pleine entre deux nuages épais. Certaines grandes fenêtres du rez-de-chaussée et des étages étaient encore colorés par les lustres montés de bougies, aux lueurs chaudes et vacillantes, qui indiquaient que Poudlard ne s'était pas encore tout à fait endormi. Il ne devait pas être très tard, encore. Il n'aurait qu'à monter directement dans les étages, et il prétexterait avoir dû sortir en catastrophe après avoir oublié quelque chose d'important dehors.

 

Plof-plif.

 

Sasha s'était immobilisé subitement à la vue d'une silhouette assise sur les marches. Son coeur s'était mis à battre durement mais se calma aussitôt : ce n'était qu'une élève à la longue chevelure rousse détachée. Il s'élança en avant.

 

- Alis...

 

Sa voix mourut tandis qu'il ralentit aussitôt l'allure. Idiot. Alison ne sortirait jamais par un temps pareil : elle ne se montrerait sûrement pas en pyjama. Mais finalement, il jugea que ce n'était pas une mauvaise nouvelle. Il soupira en s'approchant des marches, et bientôt la lumière des torches l'inonda lui aussi, réchauffant même vaguement la chemise mouillée qui lui collait à la peau.

 

- Charlie ? C'est marrant, parce que j'allais justement monter te...

 

Il s'interrompit de nouveau en s'immobilisant devant la petite fille recroquevillée sur les marches. Un instant, il la revit quand il l'avait ramenée ici après une nuit qui avait dû être la pire qu'elle avait dû vivre ici - du moins, c'était ce que Sasha s'imaginait. Après ça, elle n'aurait sûrement plus jamais voulu ressortir la nuit et se retrouver là, surtout par un temps pareil. Et les marches de l'escalier sur lesquelles elle était assise qui étaient trempées.

 

- Qu'est-ce qui se passe ? il demanda, quelques marches sous elle.

 

Mais Charlie restait derrière un rideau de cheveux roux, beaucoup plus sauvages et entortillés que ceux d'Alison. Décidément, les filles étaient jamais claires. A moins que ce ne fut spécifiquement les Carter.

Sasha exécuta un pas pour grimper, puis il s'accroupit pour poser un genou sur la marche suivante, tendant son pull roulé en boule devant lui.

 

- Hé, il souffla. Regarde qui j'ai ram'né.

 

Dans l'amoncellement de tissu épais et usé, un gros crapaud était tassé, à demi caché par une capuche dont il ne voulait pas sortir, terrifié par le voyage qui venait d'être le sien. Sasha haussa les épaules avant de se laisser tomber séant sur la marche en dessous de Charlie.

 

- Enfin, j'suis pas sûr que c'est lui en fait... Mais il ressemble nan ? A l'odeur, on aurait dit...


Charlie Carter , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Personne comprend jamais rien, rabâche intérieurement Charlie en fixant l'eau qui serpente entre les grosses dalles du vieil escalier de Poudlard. Assise sur le perron principal, elle renifle et tire les manches épaisses de son pyjama pour essuyer ses joues mouillées. Grandir, ça craint. La vie était plus facile en première et deuxième année. Il suffisait de prendre les jours un par un, fêter la rentrée, puis Halloween, et Noël, et les célébrations du printemps, et l'été, puis recommencer. Elle survolait les problèmes familiaux, préservée à l'initiative de Freya et Alison, et de son cher Papa. 

 

Maintenant tout s'embrouille.

 

L'hésitation torture Charlie. Bien sûr, elle multiplierait ses chances de trouver Sasha en pénétrant la Terrible Forêt Interdite. Mais elle n'a pas le droit. Et elle a peur de revivre son effrayante nuit de fin septembre, quand perdue dans le bois, elle a failli se faire dévorer par au moins deux créatures en deux heures ; un serpent géant et une Acromentule. Heureusement qu'il l'avait sauvée, l'Ukrainien-animagus de 6ème année, au beau milieu d'une chasse aux monstres pour protéger l'école. Charlie se souvient encore du réconfort qu'elle a ressenti perchée entre ses deux omoplates puissantes et souples, même alors qu'ils parcouraient la forêt ; elle n'avait plus rien à craindre, ou presque, car la panthère avait témoigné de quelques instincts primitifs qui auraient pu coûter leurs vies. Depuis cette aventure, la cadette Carter garde précieusement le secret de Sasha, comme un bonbon qu'on préfère mettre de côté pour soi- sauf aujourd'hui.

 

Aujourd'hui, elle a craqué face au bouillonnement d'Alison, et s'en veut effroyablement. Aussi, ça lui demande un courage exceptionnel d'envisager tout dire à Sasha. Et quand ce dernier surgit de la pénombre, trempé et humain, elle perd confiance.

 

Ses pantoufles bleues à ganses argentées se pressent l'une contre l'autre et son regard évite d'abord soigneusement celui du Gryffondor. Charlie a mal au ventre. Elle sent son visage irradier de honte, en plus de la trace encore vive laissée par la baffe d'Alison sur sa joue. Une boule douloureuse, bloque sa gorge maintenant qu'il lui demande ce qu'il se passe. Si Sasha doit quitter Poudlard à cause d'elle, elle ne s'en remettra pas.

 

Même la vision d'un crapaud ressemblant vaguement à Sir Ribbit la laisse blême. Il lui manque le cercle en forme de couronne entre les bosses que forment ses yeux. Charlie nie du menton en silence, fixant Sasha d'un regard humide. Soudain, elle fond en larmes à la manière d'une enfant, saisit de sanglots incontrôlables. J-J's-J'-J'suis dé-dé-déso-désolée ! Le remord tort ses tâches de rousseur couvertes de larmes et de la lumière vacillante des torches. Pendant de longues minutes, elle n'arrive à rien d'autre que répéter des excuses inaudibles, noyées dans les pleurs qui l'inondent et remplacent la pluie.

 

Charlie n'explique pas l'affection qu'elle ressent pour Sasha. C'est peut-être leur rencontre onirique, ou le secret qu'il lui a partagé, ou car elle sait qu'il reste sage avec Alison et l'éloigne sans le vouloir d'offrir sa virginité au premier venu.

 

La sorcière renifle et croise l'incompréhension du plus vieux. Elle avait préféré lui causer sous sa forme animale et lui confier ses cauchemars, mais le Sasha qui attend a bien une tête d'humain. Il va falloir lui dire. Elle essuie ses cils roux chargées de gouttes salées et rassemble pour la deuxième fois son courage. M-Ma soeur est v'nue me voir tout à l'heure. Elle voulait savoir si j't'avais déjà parlé. Au début elle disait trop rien et moi non plus. Et. Et après elle nous a enfermées dans la pièce et elle disait que j'mentais et qu'elle savait que j't'avais vu. Qu'elle savait qu'tu sors la nuit !

 

Désemparée d'avouer sa traîtrise à Sasha, Charlie se jette à son cou en sanglotant à nouveau. Oh j'veux pas qu'tu sois viré d'ma faute ! elle se redresse et garde ses mains sur les épaules du grand Gryffondor assis en face d'elle. Au bout d'un moment j'ai dit que j't'avais vu, oui, l'autre nuit au parc car j'voulais pas dire pour la Forêt Interdite. Elle m'a dit qu'j'étais une garce, qu'elle dirait tout à la direction dès qu'elle saurait comment s'y prendre le mieux ! À bien y regarder, la paume d'Alison dessine toujours une plaque rouge à cinq doigts du côté droit du visage de Charlie qui se laisse tomber sur la marche d'escalier, abattue.

 

— J'suis désolée Sasha. Elle m'a manipulée et j'étais trop bête pour comprendre, et j'ai compris après. Et c'est trop tard maintenant. 


Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Sasha avait fini par déposer son pull en boule sur les marches - quand bien même il était un peu déçu de s'être trompé de crapaud. Il ferait l'affaire quand même, s'était-il dit, avant d'assister, l'air désemparé, aux grosses larmes qui noyaient le visage de Charlie.

 

Mais le chagrin de la petite fille secouée par les sanglots était pour lui beaucoup moins impressionnant qu'Alison et ses remontrances glacées. Sasha afficha une simple grimace désolée, et il lui avait tendu un bras avant même qu'elle se pendît à son cou. Le geste lui semblait tout naturel, comme celui de refermer ses bras sur son corps de fille miniature, de l'accueillir même s'ils étaient tous les deux à moitié trempés. Au contraire de ces moments où il avait approché Alison, Sasha ne se sentait pas comme un ours hirsute au contact de Charlie, ou comme une créature odieuse dont les autres élèves de Poudlard ne voulaient pas s'approcher. Mais quand la petite fille gémit sur son épaule, mouillant sa joue de ses larmes salées, un flot brutal de souvenirs l'envahit - et il ne put rien faire d'autre que la serrer contre lui un peu plus fort.

 

Un instant, sous les lumières vacillantes des torches et les quelques gouttes qui fuyaient les rebords des fenêtres pour s'écraser autour d'eux, Sasha resta le souffle coupé, les yeux grand ouverts. Son coeur battait la chamade, à tel point qu'il lui semblait que les propos de Charlie ne voulaient plus rien dire.

 

Il hoqueta.

 

Aussitôt, comme elle s'écartait, se reprit. Fit mine de s'essuyer la joue d'une revers de manche, s'essuya le nez en même temps. Quelques gestes pour gagner quelques secondes, le temps que tous les mots prissent leur sens dans sa tête. Puis ses yeux verts croisèrent ceux, encore tous remplis de larmes, de la petite fille à la marque rouge sur la joue, et malgré la découverte piteuse que représentait la trace de la dispute, il s'efforça d'avoir un sourire rassurant.

 

- C'est pas ta faute Charlie, c'est moi qui lui ai dit que j'sortais la nuit, dit-il en haussant les épaules, l'air résigné.

 

Il passa le revers de l'index sur la joue de la petite fille, là où la trace rouge s'étendait, et son sourire se transforma en une grimace brève, comme s'il était pris d'un frisson.

 

- C'est moi qui suis désolé. Ca aurait pas dû retomber sur toi.

 

Il fronça les sourcils et sa main retomba sur la pierre froide et humide. Le silence les enveloppa tous les deux quelques secondes pendant lesquelles il pinça les lèvres. Le vent aux rafales discrètes secouait de temps à autre les grands arbres près de l'allée, donnant l'impression que les végétaux s'ébrouaient après la pluie, pour se débarrasser du surplus de gouttes laissées par l'averse. L'air était saturé des odeurs du gazon humide, et le château demeurait froid et silencieux. A être assis là, sur les grosses marches centenaires, Sasha avait l'impression que Charlie et lui étaient soudain aussi minuscules que des fourmis insignifiantes.

 

En réalité, la possibilité qu'on pût le virer de Poudlard ne lui était pas vraiment venue à l'esprit. Il avait imaginé bien des sanctions - d'une nuit passée pendu par les pieds dans les cachots du château au redoublement de sa sixième année, en passant par les odieux cours de danse du bibliothécaire en guise de retenue - mais il n'avait jamais réalisé qu'on pouvait tout aussi bien le mettre à la porte.

Ca ne pouvait pas être une bonne nouvelle. Un instant fugace, il s'était dit qu'il serait alors libre de s'envoler vers l'Ukraine - mais c'était une chimère et il le savait bien. S'il était viré de Poudlard, il serait envoyé, au mieux, dans un collège de moldus ; et au pire, dans une institution réservée aux sorciers délinquants. Ni l'une ni l'autre de ses alternatives n'étaient alléchantes, et aucune des deux ne lui permettrait probablement facilement de se transformer la nuit venue pour soulager ses drôles de pulsions animales.

Comment n'avait-il pas pu réaliser qu'on pouvait le virer ?

 

- T'es pas bête, il murmura comme pour lui-même. T'es même vachement plus intelligente que moi.

 

Sasha finit par secouer le tête, comme pour retrouver pied dans la réalité. Charlie était toujours là, à le regarder avec des yeux mi-interrogateurs, mi-désespérés, et il ne put s'empêcher de sourire de nouveau devant la naïveté de la petite fille. C'était étrange, de sourire sincèrement. Il lui semblait que ça n'était pas arrivé depuis des années. Les traits de son visage s'étiraient d'une façon qui lui était presque douloureuse.

Il frictionna ses mains contre les épaules de Charlie.

 

- T'inquiète, je vais aller lui parler. Avant qu'elle aille voir la direction demain. J'suis sûr que j'vais pouvoir la convaincre. Ou presque sûr. Ok ? Comment tu fais pour la voir, toi, tu vas dans la salle commune des Serpentards ?

 

Il jeta un coup d'oeil, instinctivement, vers les fenêtres basses qui faisaient office de puits de lumière pour les cachots et donc, s'imaginait-il, la salle commune des Serpentards. Son regard revint à la petite fille.

 

- Alison t'a donné le mot de passe ? il souffla à voix basse. Tu crois que tu pourrais me faire rentrer chez les Serpentards sous ma forme animale ? Ou bien on la fait venir dans un endroit isolé ?

 

Sasha fronça les sourcils, haussa les épaules.

 

- Si t'as un plan meilleur que le mien vas-y, c'est toi le cerveau de l'équipe ! Bon. Un gros câlin pour effacer cette mauvaise dispute et après on y va, ok ?

 

Il aurait pu dire une dernière minute du film avant d'aller se coucher, ou bien une dernière cuillère d'épinards avant le dessert que son encouragement n'aurait pas sonné différemment. Et d'un geste il l'entoura de nouveau de ses bras, pour l'étreindre contre son torse trapu.

Il la serra fort.

Aussitôt, la sensation qu'il avait ressenti plus tôt rejaillit presque comme si quelqu'un avait appuyé sur un interrupteur à l'intérieur de ses entrailles : son coeur qui se remettait à battre follement, sa poitrine qui s'écrasait d'une douleur sourde à lui en couper le souffle, à tel point que Sasha devait fermer les yeux pour ne pas oublier de respirer.


Alison Carter , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Ça fait des semaines et des semaines qu'on répète à Charlie qu'elle doit grandir, qu'elle ne peut plus se comporter comme une enfant. Son père, Freya et Alison ont décidé qu'elle a "passé l'âge" pour environ tout ce qui la réconforte. Traîner en pyjama ? Elle a passé l'âge. Inventer des potions inoffensives dans un chaudron factice ? Elle a passé l'âge. Dessiner sur le sol à la craie ? Elle a passé l'âge. Se construire des cabanes en couvertures ? Elle a passé l'âge. Ils ont chacun une méthode différente, mais le même objectif : la bousculer vers le Monde des Responsabilités. Brrr.

 

Alors quand Sasha serre la jeune sorcière contre lui et l'infantilise à base de gestes doux et de paroles niaises, ça met du baume au coeur de Charlie qui sourit sincèrement et sûrement trop naïvement. Elle apprécie l'affection naturelle du sixième année pour elle et sent une vague de soulagement atténuer son angoisse tandis qu'il l'innocente, et même, la complimente, jusqu'à croiser le regard sévère qu'il jette à l'empreinte écarlate. Ça va. D'un geste rapide, sa main remplace honteusement l'index du Gryffondor sur sa joue brûlante et douloureuse. Alison a frappé fort, et c'est bien la première fois que Charlie reçoit une baffe. Comme beaucoup de sœurs, elles ont déjà tiré leurs cheveux, donné des coups de pieds, coincé les doigts dans la porte, mais jamais la benjamine n'avait vu Alison aussi furieuse envers elle.

 

— Moi j'attends devant et quand quelqu'un sort je demande ma sœur, et les Serpentard ont l'habitude d'aller se chercher les uns et les autres pour respecter une règle fondamentale du cachot : ne laisser entrer personne. Miss Aisling s'assure ainsi du bon fonctionnement de sa Maison, sans interférences.

 

De nouveau contre Sasha, la rousse remarque le tambourinement de son coeur qui l'empêche d'imaginer une meilleure solution à leur problème. Mais soudain une voix familière retentit au sommet de l'escalier. 

 

— Everte Statum ! Le sortilège dessine un arc lumineux qui propulse Sasha en bas des marches. Touche pas ma sœur espèce d'animal !!! Alison brandit sa baguette, prête à continuer l'assaut si Sasha riposte. Le souffle court, la frange ébranlée, elle se tient droite et fixe froidement l'Ukrainien.

 

— ALISON ARRÊTE, nan ! crie Charlie en panique, déjà débout et prête à la rejoindre. Alison, arrête, il est gentil, il a rien fait de mal ! Le vent soulève sa chevelure ondulée qui ressemble au feu des torches. 

 

— Il a rien fait de mal ?! Et qu'est-ce que vous foutiez alors là HEIN ?! La cadette Carter désigne l'endroit où elle a trouvé Charlie et le Gryffondor en pleine étreinte. Y'a son pull par terre ! Elle vise le sorcier, une grimace de dégoût déformant ses lèvres encore maquillées. Tes pulsions là, c'est loin de Charlie, ok ?! OK ?!  


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Alison Carter a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Everte Statum (Maléfice de Renversement)

Difficulté du sortilège : 6

Modificateur de baguette : 0

Résultat du dé : 7 (5+2)

Réussite :

— Everte Statum ! Le sortilège dessine un arc lumineux qui propulse Sasha en bas des marches. Touche pas ma sœur espèce d'animal !!! Alison brandit sa baguette, prête à continuer l'assaut si Sasha riposte. Le souffle court, la frange ébranlée, elle se tient droite et fixe froidement l'Ukrainien.

 

— ALISON ARRÊTE, nan ! crie Charlie en panique, déjà débout et prête à la rejoindre. Alison, arrête, il est gentil, il a rien fait de mal ! Le vent soulève sa chevelure ondulée qui ressemble au feu des torches. 

 

— Il a rien fait de mal ?! Et qu'est-ce que vous foutiez alors là HEIN ?! La cadette Carter désigne l'endroit où elle a trouvé Charlie et le Gryffondor en pleine étreinte. Y'a son pull par terre ! Elle vise le sorcier, une grimace de dégoût déformant ses lèvres encore maquillées. Tes pulsions là, c'est loin de Charlie, ok ?! OK ?!  

Autres résultats possibles
Réussite critique :

— Everte Statum ! Le sortilège dessine un arc lumineux qui propulse Sasha en bas des marches avec une telle puissance qu'il heurte un muret. Touche pas ma sœur espèce d'animal !!! Alison brandit sa baguette, prête à continuer l'assaut si Sasha riposte. Le souffle court, la frange ébranlée, elle se tient droite et fixe froidement l'Ukrainien.

 

— ALISON ARRÊTE, nan ! crie Charlie en panique, déjà débout et prête à la rejoindre. Alison, arrête, il est gentil, il a rien fait de mal ! Le vent soulève sa chevelure ondulée qui ressemble au feu des torches. 

 

— Il a rien fait de mal ?! Et qu'est-ce que vous foutiez alors là HEIN ?! La cadette Carter désigne l'endroit où elle a trouvé Charlie et le Gryffondor en pleine étreinte. Y'a son pull par terre ! Elle vise le sorcier, une grimace de dégoût déformant ses lèvres encore maquillées. Tes pulsions là, c'est loin de Charlie, ok ?! OK ?!  




Échec :

— Everte Statum ! Le sortilège dessine un arc faible qui écarte à peine Sasha de Charlie. Touche pas ma sœur espèce d'animal !!! Alison brandit sa baguette, prête à continuer l'assaut s'il riposte. Le souffle court, la frange ébranlée, elle se tient droite et fixe froidement l'Ukrainien.

 

— ALISON ARRÊTE, nan ! crie Charlie en panique, déjà débout et prête à la rejoindre. Alison, arrête, il est gentil, il a rien fait de mal ! Le vent soulève sa chevelure ondulée qui ressemble au feu des torches. 

 

— Il a rien fait de mal ?! Et qu'est-ce que vous foutiez alors là HEIN ?! La cadette Carter désigne l'endroit où elle a trouvé Charlie et le Gryffondor en pleine étreinte. Y'a son pull par terre ! Elle vise le sorcier, une grimace de dégoût déformant ses lèvres encore maquillées. Tes pulsions là, c'est loin de Charlie, ok ?! OK ?!  




Échec critique :

— Everte Statum ! Le sortilège dessine un arc lumineux à la trajectoire hésitante et qui percute Charlie. Touche pas ma sœur espèce d'animal !!! Alison brandit sa baguette, prête à continuer l'assaut si Sasha riposte. Le souffle court, la frange ébranlée, elle se tient droite et fixe froidement l'Ukrainien.

 

— ALISON ARRÊTE, nan ! crie Charlie en bas des escaliers, les larmes aux yeux et une main se tenant le dos. Alison, arrête, il est gentil, il a rien fait de mal ! Le vent soulève sa chevelure ondulée qui ressemble au feu des torches. 

 

— Il a rien fait de mal ?! Et qu'est-ce que vous foutiez alors là HEIN ?! La cadette Carter désigne l'endroit où elle a trouvé Charlie et le Gryffondor en pleine étreinte. Y'a son pull par terre ! Elle vise le sorcier, une grimace de dégoût déformant ses lèvres encore maquillées. Tes pulsions là, c'est loin de Charlie, ok ?! OK ?!  





Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Sasha n'avait eu le temps que d'ouvrir les yeux pour voir en face de lui l'éclat lumineux qui jaillissait de la baguette magique d'Alison. Le sortilège le percuta en pleine poitrine et même si l'impact n'était pas douloureux, le choc le fit basculer brutalement en arrière et il s'étala dans les marches avec un glapissement de surprise. Il se hâta de rouler pour se remettre debout, comme pris d'un réflexe - ses sens lui hurlaient de se transformer et de courir, son coeur tambourinait à ses tempes, mais non, non, tu es à Poudlard, se raisonna-t-il, les joues rouges et la respiration haletante.

Les cris de Charlie le rappelaient à l'instant présent - saugrenu et étrange.

 

Un animal.

 

Voilà, elle savait. Et à la façon dont elle le disait, c'était évident : elle trouvait cela dégoûtant.

 

 

Dans les longues heures qu'il passait étendu dans le parc ou dans les arbres, à profiter du soleil sur son visage humain ou félin pour fermer les yeux indolemment comme il aimait le faire, il s'était parfois imaginé qu'un jour, il rencontrerait une fille, avec des belles formes comme celles d'Anya Niktalova, mais avec l'intelligence d'une ukrainienne, le sourire d'une chanteuse américaine et la gentillesse enveloppante de sa propre mère. Et cette fille-là s'étendrait dans l'herbe avec lui, et quand elle apprendrait qu'il était à demi une créature prédatrice et sanguinaire, elle le cajolerait quand même.

 

Mais quel con il était.

 

 

Sasha ne pensa pas à riposter - sa baguette était dans son pull de toute façon. Il serra les dents - ces coups-là, on ne pouvait que les encaisser. Il avait levé les mains - des paumes incrustées de petites égratignures héritées de sa chute dans les escaliers qui n'étaient rien à côté des balafres noires qu'elle avait déjà vu de toute façon. A quoi bon les cacher, maintenant qu'il savait ce qu'elle pensait de lui ?

 

- O-k, il articula lentement, et ces deux syllabes lui coupèrent les lèvres en passant la barrière de sa bouche.

 

Malgré les protestations de Charlie, il capitulait en soutenant le regard furieux d'Alison, en dépit aussi du gouffre noir qui semblait se creuser dans sa poitrine et menaçait d'anéantir ses entrailles. Il aurait peut-être réagi pareil, à sa place.

 

- Laisse, Charlie, ta soeur peut pas compr...

 

Il s'interrompit, ses yeux subitement attirés par une fenêtre qui venait de s'éclairer non loin de la grande porte.

 

- Chut ! souffla-t-il. Mais taisez-vous !

 

Une deuxième fenêtre s'alluma, un peu plus près. Le coeur de Sasha se remit à tambouriner dans sa poitrine. Alors soudain, il se jeta sur son pull pour en extraire sa baguette - puis il jeta le vêtement en boule dans les fourrés à côté de l'escalier.

 

- Collaporta ! s'écria-t-il.

 

 

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard et un léger bruit de succion se fit entendre - désagréable, mais caractéristique d'un sortilège de scellement qui avait à peu près fonctionné : le double-battant du château était particulièrement imposant et Sasha doutait que cela ne tînt plus de quelques secondes. Précieuses, malgré tout.

 

 

- Si on nous trouve ici, on aura tous des ennuis, ok ? Alors on se tire. J'connais d'autres endroits pour entrer dans le château en faisant le tour. Vite !

 

En deux enjambées, il grimpa les marches pour attraper la main de la petite fille - mais si l'on pouvait s'attendre à ce que Charlie coopérât, ce n'était pas le cas de la grande soeur.

 

- Alison !

 

Sasha la supplia du regard - une seule et unique seconde. Au-delà, il ne pouvait pas attendre. Alors il lâcha Charlie pour attraper la grande soeur par le coude - le bras qui tenait sa baguette - et l'embarquer brutalement en la poussant devant lui. Il plaqua son autre main sur la bouche de la jeune fille.

 

Ils dévalèrent les escaliers, trébuchèrent et manquèrent de tomber, mais se rétablirent dans les gravillons humides aux pieds des vieilles marches.

 

- Psst, par ici ! indiqua Sasha à Charlie.

 

Ils longèrent le grand mur froid. L'ombre d'une petite fille qui courait maladroitement à cause de ses chaussons s'étirait devant eux, ainsi que celle étrange d'un monstre à quatre pieds et deux têtes - dont l'une n'avait pas l'air de franchement apprécier le voyage. Ils coururent néanmoins jusqu'à l'angle, Sasha veillant à ce qu'ils marchassent tous dans les copeaux de bois qui couvraient les plates bandes, histoire de ne pas laisser la trace de leurs pas dans la boue. Puis ils contournèrent la courbe de la tour Est et cette fois, privés de la lumière des torches, ils furent engloutis par une obscurité presque totale.

Sasha progressait un peu à l'aveugle, peu dérangé par la noirceur fraîche de la nuit - mais il percuta vite la silhouette de Charlie qui s'était figée après quelques pas dans l'obscurité.

Il ne pouvait guère la réconforter : Alison résistait entre ses mains - mais Sasha avait bien derrière lui bien des entraînements qui rendaient les efforts de la jeune fille inutiles. La proximité de leurs corps, d'une nature si différente de leurs baisers factices, lui arracha un soupir.

 

- J'vais t'lâcher, grogna-t-il à son oreille. Mais tu fais pas d'bruit, ok ? Parce qu'avec la trace de tes doigts sur ta soeur, t'es autant dans la merde que moi. Ok ? il répéta.

 

Il attendit un signe d'assentiment quelconque avant de la relâcher précautionneusement, prêt à l'empêcher de crier ou de s'enfuir si l'envie lui prenait.

Peu à peu, leurs yeux s'habituaient à l'obscurité : on devinait maintenant le contour des visages et des corps entre des arbustes qui les frôlaient de caresses iirégulières, poussés par le vent. Sasha scrutait Alison.


Système

Maître du Jeu

Maître du Jeu , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Sasha Shevchen a lancé un sortilège !

Sortilège utilisé : Collaporta (Sortilège de Scellement)

Difficulté du sortilège : 8

Modificateur de baguette : + 2

Résultat du dé : 14 (14+0)

Réussite :

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard et un léger bruit de succion se fit entendre - désagréable, mais caractéristique d'un sortilège de scellement qui avait à peu près fonctionné : le double-battant du château était particulièrement imposant et Sasha doutait que cela ne tînt plus de quelques secondes. Précieuses, malgré tout.

Autres résultats possibles
Réussite critique :

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard et un léger bruit de succion se fit entendre - désagréable, mais caractéristique d'un sortilège de scellement qui avait parfaitement fonctionné.




Échec :

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard mais aucun bruit de succion ne se fit entendre : le double-battant du château était probablement trop imposant pour pouvoir être ensorcelé de la sorte. Sasha jura dans sa langue, à haute voix : ils avaient encore moins de temps qu'il le pensait.




Échec critique :

Le sortilège frappa la grande porte de Poudlard mais échoua lamentablement : au lieu de sceller la porte, celle-ci fut secouée d'un soubresaut et le loquet s'ouvrit tout seul. Le lourd battant en bois commença à s'ouvrir en grinçant. Déjà, de la lumière apparaissait dans le hall et des pas précipités accouraient dans les escaliers.





Alison Carter , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Alison malmène sa tenue d'étudiante, deux bas de laine foncés et un long gilet bordeaux acheté par correspondance sur les pages shopping de son magasine préféré. Elle s'époumone silencieusement entre les bras de Sasha, incapable de respirer normalement à travers ses phalanges épaisses, horrifiée d'être emportée à l'abri des regards aussi facilement. Les scénarios se multiplient dans sa tête pleine de fictions adolescentes et des aventures dangereuses que sa mère leur racontait quand elles étaient jeunes.

 

— Alison, calme-toi, implore Charlie, à peine quinze centimètres plus petite que sa grande sœur qui porte des semelles compensées. Elles font presque la même taille maintenant, mais la benjamine a toujours une tête d'enfant. Sa main tire doucement sur le poignet du Gryffondor alors qu'Alison acquiesce, contrainte d'obéir. C'est juste une claque, elle en mourra pas ! rétorque aussitôt la cadette Carter qui était initialement en chemin vers l'aile ouest du château pour s'excuser et faire disparaître les traces de sa dispute avec Charlie. Alison, dis rien à la direction s'te plaît, sinon ils vont m'poser des questions et ils sauront qu'j'ai fait des trucs interdits, tente la pré-adolescente, persuadée que sa sœur voudra éviter de la mettre dans une telle situation.

 

Les doigts serrés autour de sa baguette, Alison fixe Sasha, un sentiment d'insécurité au ventre. Ce gars est féroce, elle le sent et reste concentrée sur lui, ignorant même les feuilles des arbustes qui pourraient la décoiffer.

 

— J'irai plus dehors le soir.

— Il finira par trouver quelqu'un d'autre et recommencer.

— Mais Alison, arrête, il a rien fait de mal !

— Dans quel monde tu vis Charlie ?!

— Quand j'l'ai vu, il était gentil, il m'a laissé le carress-
— CHARLIE ! Qu'est-ce'tu racontes putain ?! Tu t'entends parler là ?! s'insurge Alison en saisissant les joues de sa sœur qui ressemble soudain à un poisson hors de l'eau. T'es si conne que ça qu'il t'a raconté n'importe quoi pour que tu le suives ma pauvre fille ! De nouvelles larmes montent aux yeux de la benjamine. 

 


Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Les yeux de Sasha allaient de l'une à l'autre, tel le regard d'un chat suivant une balle de ping-pong. De temps à autre, il jetait quand même un regard en arrière : à ce moment, quelqu'un avait dû réussir à ouvrir la porte - en espérant que cette personne crût seulement que la porte avait gonflé avec la pluie, comme chez lui quand il faisait trop mauvais temps et qu'il fallait donner des coups de pied dans la porte du garage pour pouvoir sortir les balais. Avaient-ils laissé derrière eux des indices ? Que dirait-il si quelqu'un retrouvait son pull ?

La conversation étrange la ramena à écouter les propos des deux filles.

 

- Heu, c'est pas vrai hein, la plupart du temps j'suis tout seul, le parc est vide la n... essaya-t-il de caser, mais les filles parlaient vachement plus vite que lui et il laissa tomber. J'suis là, hein.

 

Mais quelles pipelettes. Enfin...

 

- Alison !

 

Il s'était insurgé, en essayant toutefois de garder la voix basse, les sourcils froncés en une expression exaspéré. Par réflexe, il avait ramené Charlie près de lui d'une main sur son épaule. Il faudrait quand même pas qu'Alison se mît à lui maquiller l'autre joue.

 

- Arrête de crier, tu veux vraiment qu'on nous trouve ou quoi ? Et puis, comment tu parles à ta soeur ? Elle a dit qu'elle sortirait plus le soir, ça te suffit pas ? Tu devrais déjà être contente que j'étais là pour m'occuper d'elle quand elle l'a fait, même si c'est vrai que j'aurais dû la ramener tout de suite plutôt que de jouer avec elle.

 

Il y eut un silence chargé d'accusations réciproques. Visiblement, Alison ne s'attendait pas à ce qu'il reconnût son erreur. Mais Sasha n'arrivait pas à décrypter l'expression de son visage : pourquoi n'était-elle pas toujours pas satisfaite ? A la place, il avait l'impression qu'elle avait eu un mouvement de recul dégoûté, même s'il avait peu d'indices dans l'obscurité quant à l'expression du visage de la jeune fille. Il comprenait qu'elle le trouvât repoussant, mais pourquoi se mettait-elle dans une colère pareille ?

 

- Charlie a rien fait de mal. Si elle sort la nuit, c'est probablement parce que personne d'autre s'occupe d'elle à ce moment-là, tu vois, grommela-t-il un peu vexé du mouvement de recul d'Alison, qui enfonçait dans sa poitrine les fléchettes qu'elle avait planté plutôt de ses mots accusateurs. Espèce d'animal. Au pire, j'pourrai surveiller moi-même le parc pour le vérifier et te tenir au courant si je l'ai vue elle ou un autre élève. De toute façon il faudra que je sorte, je pourrai pas faire autrement ! Je...

 

Il chercha ses mots un instant. Mais rien ne paraissait tout à fait approprié. D'une main, il balaya l'air en détournant le regard, puis son bras retomba le long de son corps. Il déglutit et sa main sur l'épaule de Charlie se serra un peu, involontairement, bien qu'il s'adressa à Alison.

 

- Je... J'en ai besoin, tu comprends ? C'est pas ma faute, c'est... C'est plus fort que moi, croassa-t-il d'une voix blême.

 

Mais il savait déjà qu'elle ne comprendrait pas. Pas vu la façon dont elle l'avait regardé, un peu plus tôt. Tes pulsions, là. Il scella ses lèvres en un pincement amer, à la pensée soudaine que même s'il se sortait de cette situation épineuse, il n'aurait plus jamais l'autorisation de s'approcher de Charlie. Ce n'était pas tout à fait juste. Et en même temps, c'était sûrement mieux pour la petite, se raisonna-t-il avec dépit. Mais quel deal accepterait Alison pour au moins ne pas le dénoncer ? Que pouvait-elle bien tirer de tout ça ?

Une drôle de pensée lui traversa tout à coup l'esprit.

 

Mais bien sûr. Il y avait un malentendu. Il comprenait, maintenant. Evidemment, les querelles entre soeurs. C'était parfaitement logique. Pourquoi ne l'avait-il pas compris plutôt ? Ca n'avait pas tant à voir avec sa forme animale, finalement. Une bouffée d'espoir lui emplit la poitrine.

 

- Attends...

 

Un voile de stupéfaction avait habillé le visage de Sasha, qui se vit même dans la nuit à ses yeux arrondis comme des soucoupes.

 

- T'es... T'es pas jalouse de ta soeur, quand même ?

 

Silence.

 

- Parce que si c'est ça, heu... Bon, j'peux... On peut sûrement trouver un arrangement, tu vois.


Charlie Carter , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Quelque-chose cloche. Coincée entre les doigts de sa sœur qui lui compriment le visage et la main de Sasha qui tire son épaule en arrière, Charlie sent des larmes d'incompréhension dévaler ses pommettes. Elle déteste les conflits. Elle déteste quand Freya et son père s'engueulent, quand Alison et son père s'engueulent, quand Freya et Alison s'engueulent, et quand Alison et Sasha s'engueulent. Trop sensible, elle observe son Monde s'engueuler pendant qu'elle se noie, et se noie, et se noie. C'est habituel chez les Carter d'assister à des disputes sans queue ni tête, malheureusement.

 

— T'es qu'un gros con ! réplique Alison en lâchant les joues de sa petite sœur pour dégager la patte du Gryffondor et la ramener vers elle. Entre les deux, Charlie percute. Quelque-chose cloche vraiment. L'expression abasourdie d'Alison heurte l'explication bancale de Sasha et la Serdaigle sèche silencieusement ses larmes, frappée par l'évidence du quiproquo. Bien sûr, sa sœur n'a rien contre les animagus ! Ni même contre les réfugiés dont ils ont survolé la situation géopolitique en Histoire de la Magie. Sa sœur n'a jamais été raciste ou intolérante, juste autocentrée et peu confiante- en dépit des apparences. Alors que Sasha s'enfonce dans le malentendu, la plus jeune les interrompt. Chut, y'a du bruit ! Estomaquée, Alison fixe un instant le sorcier sans savoir quoi répondre, jusqu'à ce qu'un son métallique au loin ne les affole. 

 

Elles suivent l'Ukrainien qui leur indique rapidement un passage le long du chateau, chacun visiblement perdu au milieu d'un bouillon de pensées confuses et entêtantes. Sa paume utilise maladroitement la pierre froide de Poudlard comme guide tandis que Charlie récapitule la situation intérieurement en faisant attention à éviter les racines et les rochers avec ses chaussons. Elle renifle, sa sœur peste, et Sasha grommelle.

 

Utiliser la magie serait trop flagrant, donc tout le monde avance en file, et quand enfin ils rejoignent une porte qu'Alison et Charlie n'ont jamais vu et que Sasha s'apprête à l'ouvrir, la troisième année désigne le talus d'herbes mouillées. Non, ici !

 

— Quoi, pourquoi ?!
— Ici, la forêt.

— Charlie j'ai-

— La forêt j'ai dit. Toi aussi Sasha. Sinon, j'crie. Et j'dis tout, menace-t-elle à voix basse, ses poings posés sur les hanches avec conviction. Ils n'ont pas le temps de réfléchir car il faut se plier en deux et disparaître vite dans la pente glissante. Charlie se presse, le coeur battant, persuadée qu'ils refuseront de la laisser avancer seule vers la Forêt Interdite. Ses jambes ramollissent mais son adrénaline l'entraîne, et le plan fonctionne. Charlie, attends !

 

Après quelques dérapages qui laissent des traces vertes sur ses paumes, elle court parmi les premiers arbres et s'arrête net, essoufflée, un peu effrayée aussi. Sasha, montre-lui !

 

What?! Mais j'veux pas voir sa-
— Reste là ! ordonne-t-elle en retenant sa sœur par le poignet. Montre-lui Sasha ! Elle se trompe. Elle croit qu'tu m'a forcée pour faire des trucs de sexe.

— Charlie, qu'est-ce-

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