Poudlard L'extérieur [Terminé] L'Odeur des Carter
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Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Bon, hé bien ce n'était visiblement pas ça. Au moment où il croyait enfin avoir une solution, la situation se montrait encore plus désespérée. Sasha avait pris la tête de la compagnie, en s'imaginant déjà toutes les conséquences de ce qu'il se passerait lorsqu'Alison annoncerait qu'il rôdait comme un prédateur autour du château toutes les nuits et qu'il n'avait pas ramené Charlie directement quand il l'avait rencontrée. Il avait entendu dire que l'un des élèves de Russie, lui aussi revenu de la guerre, avait été isolé dans une chambre à part en plus d'avoir été fait prisonnier d'un sceau magique. Serait-ce le sort que lui réserverait le Ministère, à lui aussi ? Est-ce qu'on pouvait l'empêcher à tout jamais d'être la bête qu'il devenait la nuit ?

 

Ces pensées lui donnaient le vertige, et il lui semblait que l'énergie le quittait. A quoi bon fuir les professeurs, maintenant qu'il était fichu ?

 

- Charlie, non !

 

Il n'avait eu d'autre choix que de suivre les deux soeurs quand la plus petite des deux avait pris la fuite. Pour une fois, il était d'accord avec Alison.

 

- Qu'est-ce qu'y te prend !

 

Sasha s'était courbé pour passer sous les branches, mais il jeta tout de même un regard en arrière. Aucune lumière ne s'approchait. Le couvert des arbres leur dissimulait maintenant une grande partie du château, et la boue noyait leurs chaussures. Il pesta à voix basse sur les traces qu'ils laissaient. Il faudrait repasser pour les effacer. Un petit sortilège d'oblitération suffirait, s'il avait le temps de s'appliquer pour ne laisser aucun indice. Mais pour l'heure, il ne fallait pas perdre Charlie de vue.

 

Heureusement, la petite avait enfin décidé de freiner des quatre fers et les deux autres adolescents en firent autant. Sasha attrapa le premier tronc venu pour s'y appuyer, prêt à repartir s'ils étaient poursuivis. Mais le silence répondit aux échanges de deux soeurs, charriant seulement les cliquetis des branches autour d'eux.

 

- Quoi ?

 

Le garçon les regarda tour à tour, puis ses yeux se fixèrent sur Alison et sa frange décoiffée.

 

- Tu croyais QUOI ?! répéta-t-il, outré.

 

C'était bien la première fois qu'il était si en colère contre Alison. Sur l'instant, il lui semblait que c'était pire que d'être intolérante envers les animagus.

 

- Quel genre de type est-ce que tu crois que je suis ? Pour toi les Ukrainiens sont des pédophiles, c'est ça ?! Tu crois la propagande russe maintenant ?

 

Il s'efforçait de ne pas crier, mais il avait pointé un index dans une direction aléatoire, censée désigner la Russie et ses méchants dirigeants qui tordaient la vérité pour les faire passer pour des sauvages. Mais Charlie le pressait encore, et il sentait bien, à la voix tremblante de celle-ci, que des trois, c'était elle qui vivait le plus mal la dispute. Alors il laissa retomber sa main le long de son corps, non sans un dernier regard déçu pour Alison.

 

Sasha soupira.

 

Il lui suffisait de se transformer.

 

Un instant, Sasha se sentit comme quand il devait faire pipi dans les toilettes lors de sa toute première année à l'école : s'il y avait un autre petit garçon à côté de lui, il n'arrivait pas à faire pipi. C'était idiot.

 

Alors il préféra regarder ailleurs histoire d'échapper à leurs yeux rivés sur lui. Il fit quelques pas en fermant les paupières - le processus était devenu simple, avec le temps. Il lui suffisait de se rappeler les sensations qu'il avait lorsqu'il était félin : le sol froid et dur sous ses coussinets, les milles odeurs qui chatouillaient son museau, l'air qui flattait agréablement sa fourrure...

 

... subitement ses vêtements fusionnèrent avec sa peau tandis qu'il se courbait en avant, des poils apparaissant sur toute la surface de son corps quand ses pattes avant touchèrent le sol. Sa poitrine enfla et s'arrondit, des griffes poussèrent et s'ancrèrent dans le sol en même temps que son visage s'allongeait bizarrement...

 

Pour laisser place à un léopard énorme, plus gros qu'un chien, aux pattes massives. Pourtant, en hauteur, il ne dépassait pas le coude de Charlie derrière laquelle, pris d'une pudeur subite, il était parti se cacher. Il frotta son corps à ses jambes sans réfléchir, à la recherche d'une forme de protection maintenant qu'il ne pouvait plus rien dire pour sa défense. Sa tête apparut derrière la petite rousse - une gueule massive surmontée d'oreilles tâchetées de noir.

 

De Sasha l'adolescent, il ne restait plus que deux yeux verts dont les pupilles fixaient Alison, guettant sa réaction.


Alison Carter , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

La nuit les enveloppe, l'humidité ondule ses cheveux, la boue tâche ses bottines à sangles, mais Alison s'en fiche à cet instant. Elle fixe d'abord sa sœur, puis l'Ukrainien, et encore sa sœur qui insiste d'une voix éraillée par une sorte d'urgence incompréhensible. La cadette peine à reconnaître Charlie dans ce rôle de médiation. Confuse, elle écoute Sasha s'insurger sans réagir vraiment, son poignet toujours retenu entre les doigts de la Serdaigle.

 

— J'pige rien putain...

— Écoute-moi, Alison. Tu te trompes, souffle sa sœur tandis qu'elle jette un œil au sixième année qui s'apprête à devenir un animal sous leur yeux. Charlie mordille ses lèvres, songeuse, puis tire le bras de son aînée pour lui avouer sa bêtise de l'autre nuit. La semaine dernière, le mercredi soir, j'ai perdu Ribbit près d'ici. J'me suis enfoncée dans la Forêt Interdite sans m'en rendre compte en le cherchant. J'ai failli m'faire mordre par un énorme serpent mais Sasha était là. Enfin, pas vraiment lui. Elle tourne la tête vers l'étudiant qui commence à se transformer. 

 

Quelque-fois cette semaine, Charlie avait eu peur que tout ça soit juste une invention de son esprit. Qu'elle aurait pris trop de potions. D'autres fois, elle s'est inquiétée de trahir Sasha involontairement, en parlant avant de réfléchir, comme ça peut lui arriver.

 

Jamais elle n'a imaginé que ça puisse mener à un tel quiproquo. 

 

Quand le sorcier devient une panthère, elle esquisse un petit sourire, soulagée de ne pas être devenue totalement folle, contrairement à ce que les gens pensent parfois d'elle. La puissance dégagée malgré lui par le prédateur fait battre son coeur. Tu vois, articule-t-elle doucement en abaissant la baguette de sa sœur, pointée sur Sasha.

 

Alison ne lâche plus des yeux le félin qui les contourne et reste dans les jambes de Charlie, comme s'il était un gros chien. Une discipline lui vient en tête, fruit d'un processus quasiment impossible à terminer pour la plupart des sorciers communs. Les animagus sont professeurs, chercheurs, aventuriers, mais pas des élèves de 16 ans. Pas en Angleterre du moins. C'est- il m'a sauvée, l'interrompt la benjamine qui craint toujours la riposte de sa sœur. 

 

Charlie ignore le danger que pourrait représenter la panthère qu'elle caresse entre les deux oreilles, se voulant rassurante avec l'animal, et aussi avec sa sœur. 

 

— C'est impossible, il est trop jeune.

— C'est possible puisqu'il est devant toi. Il a appris en Ukraine, c'est tout, décrète la Serdaigle d'un haussement d'épaules en s'écartant pour mieux dévoiler Sasha sous son apparence animale que la pénombre dissimule quand même un peu. J't'ai dit d'essayer de le connaître, et toi t'as fait que d'le juger, accuse-t-elle sans réprobation, le timbre de sa voix redevenu plus calme. Caresse-le !

 

— J'vais pas caresser Sasha !

— Caresse-le, il est gentil !
— C'est pas qu'il soit méchant, c'est que- c'est Sasha quoi !

 

Les bras croisés, la frange en vrac, Alison se sent à la fois bête d'avoir cédé si rapidement à la rage contre Sasha, et soulagée qu'il ne se soit rien passé de lugubre entre lui et sa petite sœur. Toutefois, il reste des points à éclaircir dans cette histoire, qu'elle ne manquera pas d'élucider dès qu'ils auront tous pris du recul. Encore dubitative quant à la présence d'un animagus à Poudlard, et du récit de Charlie dont elle attend la fin, elle reste méfiante avec la silhouette féline qui ronronne presque sous les caresses de la benjamine. 

 

— Toi tu peux aller dans la forêt, mais nous on doit rentrer. Mais on connaît le chemin maintenant, t'inquiète pas. D'accord ? murmure la troisième année à Sasha. 


Sasha Shevchen , Sur les marches qui mènent à la porte principale., le 08/10/2124

Soudain, les voix des deux filles le surplombaient. Se mélangeaient à des sons parasites, plus aigus et discrets, que l'oreille humaine ne pouvait pas détecter. Il remua d'ailleurs une oreille, la tournant légèrement vers le château, lorsqu'il capta un bruit lointain - mais ce n'était qu'une fenêtre au troisième étage dont l'espagnolette grinçait quand quelqu'un avait dû l'ouvrir pour aérer une pièce. L'attention de la panthère revint à Alison et Charlie. Sasha avait fini par s'asseoir, et son corps trapu avait cette posture tranquille qui tranchait avec son allure intimidante : il était une masse de muscles dotée de griffes et de dents si tranchantes que les pointes de ses longues canines se dévoilaient lorsqu'il bougeait le museau. Et de la créature émanait un grondement régulier, des vibrations gutturales et profondes : Sasha ronronnait depuis que Charlie s'était mis à le caresser entre les oreilles.

 

Il n'aurait certainement pu décrire cette sensation une fois redevenu humain : son crâne, son museau, ses moustaches et ses babines étaient extrêmement sensibles lorsqu'il était sous cette forme, et leur stimulation provoquait une sensation relaxante qu'il ne maîtrisait pas vraiment. Cela lui déclencha un baillement bref mais terrible : il dévoila des dents et énormes et une longue langue qui s'enroula avant de refermer sa gueule avec un claquement sonore.

 

Sasha se sentait soudain beaucoup plus détaché de la situation. Alison lui semblait beaucoup moins méprisante et insultante - mais c'était peut-être parce que malgré la nuit, il la voyait désormais beaucoup mieux. Il distinguait les traits fins de son visage, son expression contenue malgré ses bras croisés. Les yeux de Sasha continuaient de la fixer même pendant que Charlie s'adressait à lui : la voix de la benjamine était une musique douce à ses oreilles, et pour tout signe d'acquiescement, il se contenta de cligner doucement des yeux.

 

La panthère se leva lourdement pour repartir, non sans frôler une dernière fois les jambes frêles de Charlie : pas trop fort ; avec sa carrure, il l'aurait aisément renversée. Puis il se faufila doucement dans les ronces, ses pattes étonnamment silencieuses tandis qu'il quittait le chemin - et leur champ de vision. La seconde suivante, il n'y avait plus aucune trace d'une telle créature, si bien qu'on eût pu croire qu'elle n'avait jamais existé.

 

 

 

Sasha, lui, se laissait fondre dans son environnement minéral et végétal. Se glissait entre les racines à pas de fauve, contournait les troncs en résistant à l'envie d'y planter ses griffes pour soulager ses bouillonnements intérieurs. 

Alison pouvait bien ramener Charlie. Il y veillerait de loin, certainement, avant de contourner le château dans l'espoir de récupérer le vêtement laissé à proximité du grand escalier.

 

Mais pour cette nuit, il avait eu son lot de confrontations humaines. Il serait bien mieux dans sa peau de félin, à tout oublier sinon les mouvements et les odeurs de la forêt.

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